Bourguiba, Habib (1903- ), premier président de Tunisie(1957-1987). Né à Monastir, il effectua des études de droit à Paris, où il s'engagea dans le Destour, parti qui luttait pour l'émancipation de la Tunisie, alors protectorat français. De retour en Tunisie, Habib Bourguiba créa, en 1930, un journal nationaliste dans lequel s'affirmèrent rapidement ses idées modernes et laïques. La scission du Destour devait avoir lieu quatre ans plus tard. Les partisans d'une Tunisie indépendante, moderne et laïque, dont Bourguiba, fondèrent le Néo-Destour («?Nouvelle Constitution?»), tandis que les traditionalistes se rassemblaient dans le Vieux Destour.
Dès lors qu'il avait choisi l'indépendance pour son pays, Bourguiba fut poursuivi par les autorités françaises, arrêté et interné à deux reprises, de 1934 à 1936 puis de 1938 à 1942. À cette date, il fut libéré par les Allemands mais condamné de nouveau par les gaullistes dès son retour en Tunisie. Placé en résidence surveillée, Bourguiba s'échappa, passa dans la clandestinité, devenant bientôt président du Néo-Destour. Repris en 1952, il fut placé en résidence surveillée durant deux années, pendant lesquelles la Tunisie connut une campagne de terrorisme. Lorsque Pierre Mendès France accéda à la présidence du Conseil, en 1954, il fit de Bourguiba son interlocuteur privilégié dans les négociations qui devaient mener à l'autonomie interne de la Tunisie, en 1955, puis à l'indépendance en mars 1956. Bourguiba fit destituer le bey et, après la victoire électorale écrasante du Néo-Destour, proclama la république le 25 juillet 1957. Élu chef du nouvel État républicain il entreprit d'audacieuses réformes dans un pays de tradition musulmane, interdisant la polygamie, accordant le droit de vote et d'éligibilité aux femmes et substituant un droit civil au droit coranique. Sur le plan politique cependant, fort de sa légitimité de «?Combattant suprême?» de l'indépendance, il devait exercer un pouvoir fort, appuyé sur un parti unique. Dans le domaine économique, Bourguiba donna au pays une orientation socialiste, les secteurs industriels de base étant pris en charge par l'État. Une collectivisation trop poussée des terres suscita l'hostilité des agriculteurs et l'expérience prit fin en 1969. Soucieux de l'indépendance réelle de son pays, Habib Bourguiba choisit pour celui-ci le non-alignement. Hostile au panarabisme égyptien, il fit cependant entrer la Tunisie dans la Ligue arabe, en 1958, y occupant une position très modérée. Le soutien apporté par la Tunisie aux indépendantistes algériens avait tendu les relations entre Tunis et Paris, relations qui s'améliorèrent quand Bourguiba s'affirma comme un partisan de la coopération avec l'Occident et de la paix au Proche-Orient. En 1965, il proposa ainsi un plan de règlement du conflit israélo-arabe, qui prévoyait la reconnaissance par les pays arabes de l'État d'Israël. Ce plan lui valut l'hostilité de l'Égypte de Nasser, derrière laquelle il se rangea pourtant lors de la guerre des Six Jours, en 1967. En 1974, Bourguiba se brouillait avec le colonel Kadhafi, après avoir rejeté le projet de fusion de la Libye et de son pays. L'élection du «Combattant suprême» comme président à vie de la République par l'Assemblée nationale, en mars 1975, provoqua l'hostilité d'une partie du peuple tunisien, exaspéré par la flambée des prix et la montée du chômage. Une tentative d'ouverture politique conduite par le Premier ministre échoua après la répression meurtrière d'émeutes à Tunis, en janvier 1978. Le régime de Bourguiba devait en même temps faire face à l'influence croissante des islamistes et à une détérioration des relations avec la Libye. En janvier 1980, un commando rebelle, soutenu par la Libye, attaquait les mines de phosphate de Gafsa. En 1981, sentant son pouvoir vaciller, Bourguiba paria sur la démocratisation, acceptant le multipartisme et accordant l'autonomie à la puissante centrale syndicale UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens). Après de nouvelles émeutes en 1984, suscitées par les conditions économiques de plus en plus difficiles, le président lança une campagne contre la corruption et pour le redressement économique. Affaibli par la maladie, il fut destitué de ses fonctions, le 7 novembre 1987, par le Premier ministre Zine el-Abidine Ben Ali, celui-ci invoquant l'incapacité à gouverner de Bourguiba.Encyclopédie Microsoft(R) Encarta(R) 2000. (c) 1993-1997 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.