Nicole CHESNEAU, Sorafom,

Birago Diop, qui se défend avec modestie d'avoir fait oeuvre originale, a repensé et écrit les récits d'Ahmadou, afin qu'Européens et Africains, grands et petits, puissent y prendre un égal plaisir. Et il fait défiler devant nous la brousse avec ses villages et ses étendues désertiques, les hommes et les animaux d'Afrique pleins de vie et de couleurs. La plupart du temps désignés par leur nom générique en woloff : « Poulo-le-berger », « Nar-le-Maure », « Sérigne-le-Marabout », ou « Nitjema-le-paysan », prisonniers des réalités quotidiennes, paisibles et sans grand relief, nous font participer à leurs travaux, leurs soucis et leurs rêves.

Voici les femmes et les jeunes filles aux caractères plus accentués : Cendrillon s'appelle ici Binta, et Samba de la Nuit a bien des points communs avec le Petit Po cet, même si c'est un pagne qui remplit l'office des fameuses bottes de sept lieues.

Dans la majorité des récits, d'ailleurs, le merveilleux et le réel sont intimement liés; le jujubier parle, le tamarinier fait des affaires et la vieille Khoudia, qui a marié ses filles à Gayndé le lion et à Bouki l'hyène, a bien des ennuis avec l'un de ses gendres.

De tous les personnages de Birago Diop, les animaux sont les plus attachants et les plus vivants. Leuk le lièvre, débrouillard et malin, discute d'égal à égal avec le lion, s'entremet auprès des marieuses, aide le paysan à berner son acariâtre épouse. Mais surtout, il joue de bons tours aux grands du monde animal, il est la revanche des timides : Guignol qui rosse le gendarme... Et c'est certes grâce à lui que les Contes d'Ahmadou Koumba raviront par leur poésie familière ceux, petits et grands, de tous les pays, à qui l'on peut encore « conter Peau d'Ane ».

10 février 1959.

Retour