II
DECALQUES
Le jour où l’Hélicon m’entendra sermonner,
Mon premier point sera qu’il faut déraisonner
A. DE MUSSET
1
L'Incube
ira embrasser les icônes
Et la
galène émettra d'autres airs,
Des
cantiques rampant comme des vers
S'élanceront
du haut d'autres pylônes.
L'Homogène
neutre aux regards atones
Se
disloquera multiple et divers
Dans
les veines du rhéostat pervers
Où
sont doubles les pensers insochrones.
L'infra
du spectre étalé sur l'Iris
Qui
tressaille, roule puis se dilate
En
scandant le rythme d'un pas de vis.
La capsule brûle et la bombe éclate
Peureux l'Ibis se tient sur une patte
Puis frénétiquement réclame : Bis.
2
Comme un pâtre qui souffle dans sa syringe
Le doute s'étourdit au fond de mon coeur,
Et je succombe sous
le poids de l'Erreur
N'ayant pu saisir le secret de la Sphynge.
Sur le froid billard j'étalerai un linge,
Et, le scapel crachant sa triste lueur,
Pour avoir les cendres du Cafard vainqueur,
Tranquille, je disséquerai mes méninges.
Comme des feuilles mortes craquent mes os,
J'ai saisi ma raison double au bout d'une
pince ;
J'interroge, mais la Folle ne dit mot.
Dans le brûle-parfum le soufre qui grince
S'étire en volute mauve et tord le cou
Aux lemmes subtiles d'un vieillard fou.
3
Je
noircirai tes blanches dents au bétel
Pour
tirer du piano d'autres arpèges.
Nous
arrêterons l'actuel présent tel
Pour
que ne se dissipent les sortilèges.
Du
sang des victimes sur le champ mortel
Nous
mettrons du rouge sur toute la neige ;
Nous
nous acheminerons vers l'autre Babel
Derrière
l'interminable cortège.
Le
chant du soir montera triste et plaintif
Pareil
à d'imperceptibles cantilènes.
Pour
guider au hâvre le frêle esquif,
Chaque
jour nous monterons sans perdre haleine
En drapant dans un large manteau de laine
Le cadavre craquant rigide et chétif.
4
Quel
bedeau saoul martèle ce carillon
Qui
heurte en tintant au coin de ma cervelle ?
Quel
sacristain amoureux de la bedelle
Jette
mon faible crâne en ce tourbillon ?
Quand,
stylet acéré, le cri du grillon
Se
rive et perce au centre de la prunelle
La
peur qui frissonne craintive et charnelle,
Rampe
esclave à l'approche du goupillon.
L'air
vicié s'infecte de vos râles
Qui
montent spasmodiques vers les ciels pâles
Amoureuses
chèvres ce soir en rut.
L'enfant m'a regardé de ses yeux d'opale,
Et quand nous sommes arrivés au but,
D'une voix douce, l'enfant a dit : Zut !
5
La Note figée
au-dessus du Théorbe
Danse sur la
portée où bémolise un Si,
Les doigts
sont souillés des larmes de l'Euphorbe
Qu'encor
têtent des nourrissons sans souci.
Toute logique
a voulu rompre son orbe
Quand
l'Apocalypse a dit : « Je m'éclaircis ».
Mais la
substance grise qui se résorbe
A ordonné : «
La sortie est par ici ».
Spasmes
d'esprit que l'Incohérence effleure
Les mouvements
halètent alternatifs
Le long du
court-circuit de l'infécond leurre.
L'éponge engloutit un précipité d'heure
Et rejette une perle à l'éclat hâtif
Rythmant l'envol d'un théorème rétif.
6
Ensorceleur
le charme s'était rompu
Quand
soudain se sont tus les chants des sirènes,
Et
se figeant sur le masque des silènes
Le
rire du monstre s'endormit repu.
La
Statue a bougé quand elle a relu
Que
sa haquenée avait brisé les rênes ;
L'Amazone
amoureuse sentit ses veines
Se
tordre entre les doigts du Temps révolu.
Dans
le désert mornement inlassable
Les
pèlerins ont tracé sur le sable
Leurs
pas malhabiles, traînants, incertains...
Les
larmes en chevant le lundi matin
Sur l'immense tapis aux dessins mal teints
Rongent jusqu'au cœur les pieds de la table.